Flagrant délire
Retour au pays, eh oui les vacances sont belles et bien finies, c'est bon quand même de se retrouver chez soi, des hôtesses qui parlent français, des panneaux sur lesquels on peut lire les caractères, même la cuisine occidentale de l'avion, ça fait du bien.
Le ciel est bas, gris, ce froid, cette légère pluie, plus de sueur, plus de chaleur.... Et ces chaussures qui ont trop baroudé, quel bonheur se sera de les enlever, ah un bon bain, se laver les dents, j'ai hâte de rentrer. L'attente est longue, l'aéroport, les avions successifs et enfin j'y suis, plus que ce bus et le métro, allez on y croit. C'est quand on est quasiment arrivé que c'est le plus long, que l'impatience nous gagne davantage, que les minutes deviennent interminables, même plus de bouquins pour passer le temps.
A peine de retour et déjà les automatismes reprennent le dessus, plus personne ne se parle, ne se sourit, visages fermés, air indifférent. Tous ces gens sont un peu comme moi, chacun revient d'un ailleurs, quoi que pour certains l'ailleurs c'est ici.
De beaux spécimens dans ce bus, comme ce gugusse avec son chapeau, il doit revenir d’Australie, on dirait Crocodile Dundee! Il y a vraiment des touristes qui se sentent toujours obligés de se déguiser, mais franchement le boubou ça ne va pas à tout le monde, un peu ridicule tout ça.
Tiens, celui la, il a encore de quoi lire, mais qu'est ce que c'est que ce drôle d'étui qu'il tient contre lui? Ça ne peut pas être une guitare, trop étroit, un violon, trop long, une raquette de badminton, hou la, l'idiotie me rattrape, on va dire que c'est la fatigue! Il le tient sacrément serré contre lui en tous cas. Un peu louche, tout ça, il a plutôt une tête de Polonais, ça sens le coup fourré, trafics, argent sale, drogues, armes, j’espère au moins que c'est pas un kamikaze!
Comment savoir..., qu'est ce qu'il lit, enquêtons... petite acrobatie en refaisant mes lacets... je vois rien, ah si, petite torsion, je l'ai: « L'ombre du vent», j'adore!
L'inconnu a maintenant relevé son livre et me regarde interloqué, en souriant, devant ma posture plus que douteuse.
«Vous cherchez quelque chose mademoiselle» me demande-t-il avec un bel accent de l'est, là au moins je ne m'étais pas trompée.
«Euh, c'est à dire que...» je bafouille, je sens mes joues devenir écarlates, lui ne décroche pas son regard du mien. J'avale ma salive, j'ai la gorge sèche, et sans doute l'air stupide.
«Ah vrai dire, je me demandais ce que vous lisiez », l'homme agrandit son sourire, me montre sa couverture.
«Oui, j'ai vu, j'aime beaucoup ce roman.
- Vraiment moi aussi, je reviens de Barcelone et avec ce livre je continue mon voyage.
- Ah vous étiez en vacances ?
- Non, c'est pour mon travail, je suis musicien.
- Justement je trouvais votre étui particulier.
- Je joue du banjo.»
Je lui souris, un peu bêtement, un peu maladroite, il continue de me regarder, je me sens gênée, mais aussi agréablement enveloppée de chaleur. Le bus arrive et je n'ai plus envie d'être arrivée, j'ai envie de rester là, avec lui. Les gens récupèrent leurs bagages, se précipitent vers la sortie. Il ne reste plus que nous, embarrassés. Le chauffeur nous rappelle à l'ordre :
«Eh j'ai fini mon service, dehors les amoureux!». je pense le corriger en lui expliquant qu'il se trompe que nous ne sommes pas ensemble, mais je ne dis rien, après tout sait-on jamais, ce qui nous attend au bout du voyage.
merci à Leiloona qui propose ses ateliers d'écriture sur http://www.bricabook.fr/
photo de Romaric Cazaux
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 19 autres membres