Giacomo Casanova
Oh ma tête, mais quelle migraine, quel étau me compresse la cervelle, ça m'apprendra à abuser du Bellini ! Un petit mélange de pêche et de champagne, ça ne peut faire de mal à personne, ça c'est ce que l'on croit ! J'ai cru que ça me ferait du bien de sortir, m'aérer, respirer l'air marin de la cité, que nenni, j'ai envie de rentrer. Tous ces gens, ces touristes, qui sont venus comme moi, peupler Venise pour le carnaval, m'oppressent. Tous ces visages... ces hommes qui me regardent, et je ne peux m'empêcher de les dévisager en me demandant était-ce lui ? Le grand là bas avec sa belle veste en cachemire et sa mâchoire mal rasée, non... son ami, plus trapu et un peu dégarni, non... non plus, oh mon dieu, j’espère que ce n'est pas lui qui me regarde avec ces yeux de merlan frit et son bonnet en laine de travailleur en bâtiment. Quelle cruche, non mais vraiment, et ces haut-le-cœur, cette acidité dans ma bouche, je m'en souviendrai de cette soirée, n'empêche, quelle soirée ! Bon d'accord, je ne me souviens pas de tout, et certains de mes flashs m’étonnent même un peu, rêve de la nuit, ou événement vécu, pas évident de faire la part des choses.
Elle s’assoit sur un banc de la place San Marco, ferme ses paupières et laisse les images de sa nuit revenir à elle, musique, danse, tarentelle, rire, plumes, dentelles, éventails, masques, loups, cape, Casanova... regards, mains, fièvre, baisers, tourbillon, magie.
Elle ouvre les yeux regarde le ciel aux nuages bas d'hiver et sourit, puis sur ces lèvres cette chanson qu'elle adore et qui résume si bien sa soirée « Emportés par la foule qui nous traîne, Nous entraîne, Écrasés l´un contre l´autre, Nous ne formons qu´un seul corps, Et le flot sans effort, Nous pousse, enchaînés l´un et l´autre, Et nous laisse tous deux, Épanouis, enivrés et heureux. »
Elle déambule parmi les gens, les stands, les pigeons, un peu fatiguée, mais s'émerveillant toujours de cette belle ville, elle se dit qu'elle ne le retrouvera sans doute jamais ce bel inconnu au regard d'acier et aux baisers envoûtants. Elle ne se doute de rien, libre et insouciante. Elle ne sait pas encore qu'elle reviendra souvent ici, qu'elle le cherchera longtemps, pas pour elle, non, mais pour lui, son petit garçon, qu'elle porte déjà en elle et pour qui malgré tous ses efforts le père ne sera qu'un mythe, le Casanova. Elle l’appellera d'ailleurs Giacomo comme son père.
merci à Leiloona qui propose ses ateliers d'écriture sur http://www.bricabook.fr/
photo de Romaric Cazaux
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