Petit passage dans la tête de mémé
Il fait si chaud cet après midi, trop chaud pour mes vieux os…
Je sens la sueur perler sur mon front, mes jambes qui se fatiguent, lourdes, usées, ma bouche pâteuse, et ce gilet, je suis encore trop couverte, en mai on a beau faire ce qui nous plaît, on est jamais bien habillé.
Ah ce petit banc, je vais pouvoir reprendre haleine et nourrir ces satanés pigeons, ça les rendra peut être diabétiques et on en sera débarrassé, une bonne fois pour toute.
Quelle idée d’être sortie à cette heure, ce n’est plus de mon age. Je ne peux pourtant me résoudre à rester chez moi après le déjeuner et à m’endormir laissant mon corps succomber à la digestion de ma tranche de jambon et de ma feuille de salade, moi qui était si gourmande plus rien ne passe.
C’est triste de vieillir d’essayer de lutter pour la vie lorsqu’elle vous échappe quoi que vous fassiez.
Cette vie, la vie, qui m’entoure, la mienne est finie mais celle des autres me fait rêver et me retient, j’aime observer ces gens, eux, ils ne me voient pas, ne me remarquent pas, mais moi je les écoute, je les scrute et je voyage ainsi dans leurs univers. Cette jeune fille avec son amoureux qui le mange des yeux et lui qui l’agrippe si fort pas la taille, ah c’est beau, ça me rappelle mon Alexis, mon si doux…
Mon cœur se serre toujours, le temps n’efface pas le manque, un être avec qui vous avez vécu toute votre vie, quand on vous l’enlève c’est comme un membre qu’on vous coupe, on croit toujours qu’il est là, et dès qu’on se rend compte de sa disparition, c’est toujours la même tristesse qui vous envahit, heureusement bientôt on se retrouvera.
Tiens ce gosse qui court, où va-t-il si vite ? Et sa mère qui l’appelle, ah elle peut toujours causer celle la, il est lancé le petit. C’est beau cet instinct qu’ont les enfants de courir dès qu’ils peuvent, de sentir le vent dans leurs cheveux, sur leur peau, qui s’engouffre dans leurs vêtements, leurs cœurs accélérer, cette croyance folle et magique qu’ils vont peut être s’envoler. Adulte on court après tout, mais on ne court plus libre et insouciant, on court sans envol. Je divague, je divague en tous cas c’est pas avec mes vieilles guibolles que je pourrais courir moi, la vie passe à chacun son tour, à chacun sa place.
merci à Leiloona qui propose ses ateliers d'écriture sur http://www.bricabook.fr/
photo de Romaric Cazaux