Mes petites créations ...

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Recherche Kiki désespérément

eau

Je vais vous étonner, mais non, je ne suis pas de celles qui en portent, ni parapluie, ni parasol, ni même lunettes de soleil. J'aime le contact franc et direct des éléments sur ma peau, plisser les yeux, être aveuglée, sentir la chaleur cogner sur mon corps. Aujourd'hui c'est le vent, le froid et les énormes gouttes qui tombent du ciel dont je m'imprègne. Elles ruissellent sur moi, mes cheveux collent à mes joues, mes vêtements à ma peau, mes pieds clapotent dans les flaques, quel bonheur ! Je ne penche pas la tête, au contraire je la lève vers les nuages, je ne me presse pas, je savoure. Si au lieu de la fuir on l'appréciait, beaucoup s'étonnerait d'aimer aller prendre la pluie comme ils prennent le soleil. J'ai du être champignon ou escargot dans une autre vie. L'automne, les feuilles des arbres multicolores qui valsent et crissent sous nos pieds, les châtaignes, les gens. Oui, les gens, ils sont drôles en automne, certains trop contents de sortir leurs tenues d'hiver, fourrure, écharpes et bonnet en tout genre, d'autres ne voulant pas quitter l'été, sans collant, en petite veste colorée et grand décolleté. Ils dénotent les uns à côté des autres, ayant réciproquement trop chaud ou trop froid. Trêve de dissertation, me voici arrivée devant ce vieil immeuble, j'entre, toujours cette même odeur, mélange de bois et d'humidité. 3ème étage, ma grand-mère m'ouvre.

« Doux Jésus, dans quel état es tu mon petit, une serpillière humaine ! Rentre vite, ah non pas sur mon tapis ! dans la salle de bain ! Je vais te chercher de quoi te changer. » Et voilà comment je me retrouve en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire vêtue d'une robe de chambre en flanelle rose devant un grand bol de chocolat chaud, une madeleine à la main.

Mamie me parle de la pluie. Elle note le temps qu'il fait chaque jour dans un petit cahier, donc j'ai le droit à la météo actuelle, mais aussi à celle de l'an dernier à la même époque ! Ce sont les gens qui n'ont pas grand chose à faire de leur temps qui se préoccupent le plus de celui qu'il fait dehors. On sonne, c'est Yolande qui arrive, elle vient donner à manger à mon grand-père, s'occuper de faire un brin de rangement, mais la plus grande partie de son travail consiste à écouter.

Elle en a du courage d'écouter continuellement les même histoires de ma grand-mère que la répétition n'effraie pas. Elle n'a pas sa tête de d'habitude, ses traits sont crispés, sa ride du lion creusée, son regard ailleurs.

Je lui fais la bise, et la sens faible, la tient par les épaules

«  Yolande, ça va ?

- Excuse moi, Mélodie, c'est pas la grande forme.

- Tu as l'air contrariée.

- Oui si tu savais ce qui m'arrive, je ne sais pas quoi faire.

- Qu'est ce que tu as ?

- Laisse, je ne vais pas t'embêter avec mes histoires.

- Voyons tu ne m'embêtes pas. »

J'ai envie de rajouter « au contraire », je suis une curieuse née, j'adore les histoires, tristes, heureuses, effrayantes, tout me plaît. C'est ma grand-mère qui reprend :

« Yolande, ne soyez pas bête, Asseyez vous, Mélodie va lui chercher un coup de génépi ça va la remonter. » Pas de chance, en plus de ne pas aller bien, elle va devoir boire cette affreuse liqueur aux plantes, car quand mamie dit, qu'on ait envie ou pas, on s'exécute. Le coup servit, la grimace faite, nous sommes là toute les deux, dans l'attente, on ne dit mot, mais nos yeux clament «  alors? »

«  Tout a commencé ce matin, je me suis réveillée en sursaut et en sueur, de quoi j'avais rêvé difficile de m'en souvenir, il ne me restait en tête que des images d'étal de boucher. D'habitude, c'est toujours Kiki qui me réveille en me léchant le bout du nez de sa langue râpeuse, pour que je lui donne ses croquettes, mais ce matin pas de Kiki en vu, j'ai eu beau secouer le sachet de croquettes, l'appeler, mais il n'ai pas venu. J'ai fait le tour de l'appartement, regarder sous le lit, dans la penderie, mais Kiki était toujours introuvable. Des carcasses de viande sanguinolente, une hache, des entrecôtes pendues, je revoyait mon rêve, je ne trouvait pas Kiki, et j'ai soudain eu peur qu'il soit mort, j'ai quand même continuer à le chercher, en vain, puis l'heure de venir ici à sonner, et me voici, bredouille et morte d'inquiétude.

- Et vos fenêtres, elles n'étaient pas ouvertes ? Il est peut-être simplement aller faire un tour.

- Justement pas.

- C'est qu'il est forcement chez vous alors, vous le retrouverez à l'odeur d'ici quelques jours. »

Sur ces mots, le menton et la lèvre de Yolande commencèrent à trembler, je sentais ses larmes poindre, ma grand-mère a toujours été d'une délicatesse. Je me suis donc dévouée pour partir à la recherche de Kiki

« Yolande, tu sais ce qu'on va faire, je vais venir avec toi, on va passer l'appartement au peigne fin et si on ne le trouve pas on mettra des affiches.

- C'est adorable Mélodie, mais il faut bien que je reste ici, l'heure du repas approche, ton papy va avoir faim.

- Oh, il peut bien attendre une petite heure, non mamie ?

- Si filez, je m'occupe de mon vieux. »

Nous voilà donc reparties, sous la pluie, Yolande, elle avait son parapluie, hors de question de gâcher sa mise en pli. Elle m'a donc abritée, le temps n'était pas à rêvasser. C'était la première fois que je rentrais chez Yolande. Dans l'entrée un cadre d'elle avec son Kiki, un intérieur surchargé de bibelots plus kitschs les uns que les autres : tirelire cochon sur napperon crocheté, vierge en plastique contenant de l'eau de Lourdes, œufs décoratifs, collection de chouette dans une vitrine, jusqu'aux coussins en poils de caniche colorés sur le fauteuil, j'en ai pris plein les mirettes.

« On va faire pièce par pièce, soyons efficace. Tu vas dans la chambre, je m'occupe du salon pour commencer. » N'ayant rien trouvé dans le salon, j'ai poursuivi dans la salle de bain, rien dans les placards, la baignoire, mais là, sous la baignoire, une petite chose poilue inanimée.

«  Je n'ai rien trouvé dans la chambre, me crie-t-elle.

- Fais la cuisine, j'arrive. »

Je prends le matou roux, qui ne ressemble plus à grand chose, le pauvre est mort. Comment lui annoncer ça, elle qui n'a pas d'enfant et pour qui son chat est tout. Ni une ni deux, je plonge Kiki dans mon sac à main.

«  Il n'y a rien de ce côté non plus, il a dû se faire la belle, aller savoir il se sera faufilé quand vous avez ouvert la porte, je peux prendre votre cadre, je vais faire des affiches sur mon ordinateur, on les placardera demain. » Yolande a l'air soulagé de ne pas avoir trouvé ce qu'elle craignait, elle retourne chez mamie, je rentre chez moi, le chat dans mon sac. Mais quelle idée j'ai eu, la pauvre ce ne serait pas mieux de lui dire la vérité, au lieu de la laisser croire que son chat vit quelque part. Dans quel bourbier, je me suis encore mise.

Je rentre chez moi, que faire de ce cadavre ? Je ne vais quand même pas le jeter à la poubelle. La seule idée qui me vient, merci les faits divers, c'est le congélateur, ça me donnera le temps de réfléchir. Et sur le coup, mon cerveau est en ébullition et ma conscience avec, au petit matin, une révélation, une illumination, j'ai trouvé. Je ne pars pas chez mamie avec mes affiches sous le bras comme prévu, mais je me rends au 45 de l'avenue des petits souliers, chez Philippe Dérien, naturaliste-taxidermiste, Kiki congelé à mes côtés. Autant vous dire que cette histoire m'a coûté une petite fortune. 5 jours plus tard, je retourne cherché un Kiki dorénavant immortel, j’espère que Yolande réagira bien.

J'arrive chez mamie, Yolande est là, mon sac est lourd de conséquences, comment me lancer.

« Ah Mélodie, alors tu as réussi à me les faire ces affiches, plus le temps passe moins on a de chance de le retrouver.

- Je vais être franche avec toi, je n'ai pas les affiches. »

Elle ne dit rien, je lis la déception sur son visage.

« Yolande, je ne sais pas bien pourquoi j'ai fait ça, je ne sais pas ce qui m'est passé par la tête, mais voilà je l'ai fait, je suis désolée, j'ai cru bien faire. je... »

Ma grand-mère me regarde n'y comprenant rien. «  Mais voyons de quoi parles-tu? »

Je sors le plastique qui contient Kiki de mon sac à main. Je ne peux comme pas lui sortir son chat empaillé comme ça sous le nez. Je lui prends la main, « Yolande, il va falloir être très forte, Kiki nous a quitté, je l'ai retrouvé dans la salle de bain mercredi dernier, je n'ai pas eu le courage de te le dire. »

Ces yeux s'embrument, « Mon Kiki, je le savais bien, je l'avais senti qu'il ne s'était pas échappé, pourquoi aurait-il fuit,on s'aimait tant. Mais qu'est ce que tu en a fait ? » Elle pleure à chaudes larmes, je lui tend le plastique, elle l'ouvre et la son Kiki aux yeux de verre lui fait face. Ma grand-mère me regarde comme si j'avais perdu l'esprit et fait un signe de croix. Yolande, elle, prend son chat, le caresse, frotte sa tête contre la sienne, le serre dans ces bras. Puis elle m'attrape par le cou, et m'embrasse, « Mélodie, c'est tellement gentil, tu me l'as rendu, il est si beau, Kiki, mon Kiki, on va pouvoir rentrer à la maison ensemble. » Elle est si émue,moi je ne sais plus où me mettre. Je prétexte un rendez-vous et file soulagée que ma trouvaille ait été la bonne, voilà un chat que je n'oublierai pas.

 

 

 
Atelier d'écriture proposé sur www.bricaboo.fr par Leiloona, photographie de Kot 



11/11/2012
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